Dario GHIBAUDO
Un Musée d’Histoire In-Naturelle en perpétuel mouvement
24 avril au 8 juin 2025

On invente des mondes où l’on peut s’immerger sans angoisse, et accéder à un nouvel espace. On ne s’est pas réveillé dans le bois sacré de Bomarzo (dans le Latium, Italie, 1560). Dario Ghibaudo nous invite à découvrir son Musée d’Histoire In-naturelle pour éprouver de nouvelles sensations à la rencontre de ses œuvres et de son esthétique.
​Nous parcourons ici un abrégé (soit quarante-quatre œuvres environ) de l’ensemble de son Musée, mais il ne demeure pas moins qu’il existe certaines résonnances qui traversent les champs évoqués dans les multiples divisions des salles de son concept muséal. Quelques artistes se sont attachés à poursuivre une œuvre aussi ténue et profondément nouée autour et sous le signe des sciences naturelles. N’est-ce pas Buffon (1707-1788) qui dans son introduction précédent son Histoire naturelle, écrivait que « le système de la Nature dépend peut-être de plusieurs principes ; ces principes nous sont inconnus, leur combinaison ne l’est pas moins ; comment ose-t-on se flatter de dévoiler ces mystères, sans autre guide que son imagination ? [...] C’est par des expériences fines, raisonnées et suivies, que l’on force la Nature à découvrir son secret ». Buffon affirme qu’il y a à l’origine une unité du monde vivant. Animaux et végétaux possèdent la faculté de se reproduire. Il énonce le principe « d’interfécondité » : « On doit regarder comme la même espèce celle qui, au moyen de la copulation, se perpétue et conserve la similitude de cette espèce, et comme des espèces différentes celles qui, par les mêmes moyens, ne peuvent rien produire ensemble ».
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Dans cette perspective, l’artiste Dario Ghibaudo, a élaboré à partir de 1991, une série d’œuvres où figurent des animaux ayant subis quelque métamorphose, selon les probabilités de mutation des espèces et des développements qu’offrent aujourd’hui les recherches scientifiques et les prospectives sur la « dénaturation » de certaines espèces. D’où advint dans la voie de l’œuvre de Dario Ghibaudo, ce qu’on appelle « le principe in-naturel » évoqué par Rousseau dans une brève réflexion que cite l’artiste : « Est in-naturel tout ce qui vient éduqué par l’homme. » L’artiste a déployé sa passion et son ardeur d’inventer en ouvrant son imaginaire par le dessin et par la sculpture, pour créer de nouvelles formes animales : mammifères dans leur variété, oiseaux, cervidés, poissons, ainsi que des animaux de contrées géographiques non occidentales. Nous avons l'impression que cette possibilité de mutation permet d’envisager que de telles espèces puissent exister par leur propre beauté comme transfigurées par le geste ultime de l’artiste qui leur a attribué des particularités physiques « improbables » mais sans conteste vraisemblables.
En quelque sorte, le bestiaire « évolutif » de Dario Ghibaudo ne comporte aucune incongruité. Ses créations semblent naître d’un tissu homogène lié à une « certaine Nature » où les cellules opèrent une prolifération à travers ces espèces inventées en un perpétuel mouvement de combinaisons. (Extrait -04/2025)
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Patrick Amine